LA CHRONIQUE DE L’ÉTÉ : LE SECRET DES PIERRES DE COULEUR – Partie 1

Si, comme moi, l’été est une période idéale pour lire, alors vous devez avoir hâte que vos vacances arrivent, si ce n’est pas déjà le cas.

Le livre est un objet que j’affectionne tout particulièrement. J’achète toutes sortes de livres, presque sans cesse. Parfois, ils restent fermés pendant des mois, puis un jour, je les retrouve avec plaisir, comme pour renouer avec un vieil ami. Étudiante, je m’accordais un budget mensuel pour enrichir ma collection. Certains le savent, j’adore prêter les livres qui m’ont touchée, mais quand je les aime vraiment, je peux devenir très insistante pour les récupérer… J’ai ainsi attendu presque cinq ans pour revoir mon livre préféré, prêté à une amie autrice. J’aurais pu en acheter un autre exemplaire, ce n’était qu’un livre de poche, mais c’était lui, celui avec lequel j’avais voyagé, celui que j’avais corné, souligné… Les couvertures me fascinent souvent, parfois très simples, parfois éclatantes de couleurs. Je reconnais au premier coup d’œil certaines maisons d’édition, et j’aime organiser mes livres par couleur.

Le papier d’un livre est une matière réconfortante, douce ou plus épaisse selon les éditions, bien avant même d’en découvrir le contenu. J’adore me plonger dans un roman, une biographie, regarder de magnifiques images ou lire un sujet technique, mais, je l’avoue, il y a des périodes où je ne touche pas un livre pendant des mois. C’est pourquoi l’été me ravit, car il rime pour moi avec lecture.

Et puisque je ne prévois pas d’écrire un livre, j’ai choisi cet été de continuer mon journal en créant trois chroniques pour vous raconter l’histoire des pierres. En vous relatant ce rapport que j’ai aux livres, je pense à préparer un article sur une sélection de livres qui me tiennent à cœur, autour de la joaillerie, ainsi que ceux que je convoite.

Aux origines, quand les pierres de couleur racontaient déjà le monde

Vous êtes-vous déjà demandé depuis quand les pierres précieuses fascinent l’être humain ? Spoiler : bien avant les bagues de fiançailles, bien avant les vitrines en velours ou les catalogues de haute joaillerie. Leur histoire commence il y a … des dizaines de milliers d’années.

Imaginez un groupe d’hommes et de femmes, il y a 40 000 ans, découvrant un éclat rouge vif dans une roche. Ce scintillement capte leur regard, intrigue leur sens. Cette pierre devient bientôt bien plus qu’un simple caillou. À la préhistoire, nos ancêtres utilisaient déjà des pierres comme le quartz, le jaspe ou l’hématite. Bien sûr, ce n’était pas encore des bijoux sertis avec précision, mais ces pierres étaient taillées pour fabriquer essentiellement des outils, mais aussi des parures rudimentaires ou des objets à usage rituel. On en a trouvé un peu partout en Afrique, en Europe, en Asie, dans des sépultures ou des grottes.

Le choix des gemmes n’était pas anodin : leur éclat, leur rareté, leur teinte frappante les rendaient mystérieuses, presque magiques. Le jaspe, par exemple, avec ses teintes rouges, jaunes ou vertes, était non seulement taillé en outils ou parures, mais aussi broyé en poudre pour en faire des pigments naturels. Ces pigments, très résistants, servaient à décorer les parois des grottes, comme à la célèbre grotte de Chauvet, où l’on retrouve des peintures vieilles de 36 000 ans.

Ces premières utilisations témoignent d’un lien profond entre la couleur, la création artistique et le sacré. Le rouge de l’ocre symbolisait peut-être la vie, le sang ou la force. Chaque teinte racontait une histoire que nos ancêtres semblaient vouloir transmettre. La première pierre de couleur que l’on connaît est donc probablement le jaspe, mais le quartz avait aussi une place particulière. Le quartz fumé ou clair, outre son usage pratique, était souvent associé à des vertus spirituelles, un peu comme un pont entre le monde visible et invisible.

L’Égypte antique : les pierres deviennent des symboles puissants

Avec le temps, ce qui était d’abord matière première pour l’art et l’outil devient un vecteur de sens de pouvoir. C’est vraiment avec l’Égypte antique que les pierres de couleur prennent une place dans la culture.

On les retrouve dans tous les aspects de la vie quotidienne : bijoux, rituels funéraires, amulettes protectrices.

Les Égyptiens étaient fous de lapis-lazuli, de turquoise, de cornaline ou encore de malachite. Chaque gemme avait une symbolique très précise :

  • Le lapis-lazuli, d’un bleu profond, représentait le ciel, les dieux et la royauté. Ce lapis venait principalement des mines d’Afghanistan, notamment de Sar-e-Sang, une source exploitée depuis des millénaires.
  • La turquoise, d’un bleu-vert céladon unique, servait d’amulette protectrice, symbole de vie et de régénération.
  • La cornaline, rouge vif, symbolisait la vie, l’énergie, le feu intérieur.
  • La malachite, avec son vert profond, était aussi très appréciée pour ses vertus protectrices, notamment contre le mauvais œil.

Contrairement à la turquoise, la malachite ou la cornaline, toutes extraites sur le territoire égyptien ou à ses frontières, comme dans le Sinaï, le lapis-lazuli devait être importé depuis une région très lointaine : le Badakhshan, dans l’actuel Afghanistan comme je vous le disais plus haut. Ce commerce, via des routes caravanières traversant la Mésopotamie et le Levant, étant long, complexe et réservé aux élites. Le lapis était rare, difficile d’accès, et donc considéré comme une pierre « divine », souvent même plus précieuse que l’or. Il était réservé aux objets sacrés comme des ornementations de statues de dieux, des masques funéraires, des bijoux royaux ou amulettes pour accompagner les défunts dans l’au-delà.

Au-delà de l’Égypte : d’autres civilisations anciennes

L’Égypte n’est pas la seule à avoir accordé une telle importance aux pierres de couleur. En Mésopotamie et en Perse, les pierres précieuses et colorées ornaient les parures royales et étaient associées au pouvoir et à la sagesse.

Plus loin encore, chez les Mayas et les Aztèques en Amérique précolombienne, des gemmes comme le jade ou la turquoise avaient un rôle central dans les rites religieux et dans la fabrication de bijoux.

Malgré la distance et la diversité des cultures, ces civilisations partageaient une même croyance : les pierres n’étaient pas seulement belles, elles avaient un véritable pouvoir spirituel. On leur attribuait des vertus de protection, de guérison, ou encore de connexion avec le divin. Chez les Mayas, certaines pierres étaient associées aux dieux et portées lors de cérémonies rituelles. On pensait qu’elles étaient capables de repousser les énergies négatives, de guérir les maladies ou même de communiquer avec les esprits.

Pour moi, chaque pierre que je choisis aujourd’hui dans mes créations est porteuse de cette histoire riche et fascinante. Celui ou celle qui la portera continuera d’écrire son histoire, et de faire porter cette mémoire silencieuse à travers les générations. Elles ne sont pas seulement des bijoux, mais de véritables trésors, à la fois esthétiques et symboliques, comme elles l’étaient déjà il y a des milliers d’années.

La fascination pour les pierres de couleur n’a jamais cessé depuis ces temps-là, traversant les âges et les continents pour devenir les joyaux que nous connaissons aujourd’hui.

Si ce premier article vous a plu, ou si vous avez des sujets que vous aimeriez voir abordés, dites-le-moi ! La suite sera pour la semaine prochaine, on y parlera de l’utilisation des pierres de couleur à travers l’histoire, de la Rome antique aux joyaux des rois de France…

Alice.

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